Accueil Philippe Fleury, directeur général de la FER Genève s’entretient avec notre directeur général Thierry Ungaro.
Leader d'opinion

Philippe Fleury, directeur général de la FER Genève s’entretient avec notre directeur général Thierry Ungaro.

En quelques mots

Entretien marquant avec une des grandes figures du monde économique genevois

Homme de lettres, de droit et de finance, Philippe Fleury a rejoint la Fédération des Entreprises Romandes Genève (FER Genève) en janvier 2023 et en a pris la direction générale en juin de la même année.

Colonel et commandant de l’État-major «AERO SUBITO», chargé de la protection militaire de l’aéroport de Genève, cet homme engagé au service de la collectivité nous fait l’honneur d’échanger sur quelques questions entrepreneuriales.

Quels grands enjeux se dessinent pour le bassin économique Romand ?

Philippe Fleury. La pénurie de main-d’œuvre qualifiée continue à s’aggraver dans notre pays. Selon une étude de l’UBS, 500 000 emplois pourraient manquer d’ici à cinq ans, notamment en raison du départ à la retraite de la génération des baby-boomers et d’un taux de croissance démographique insuffisant. L’industrie numérique en pleine expansion devrait combler une partie de ces emplois perdus, ainsi que le marché européen, qui constitue le réservoir de recrutement le mieux aligné aux valeurs du monde économique helvétique. Cependant, les Européens manquent eux-mêmes de main-d’œuvre qualifiée…
Les nouvelles formes de travail modifient également le rapport à l’emploi. Le temps partiel est aujourd’hui privilégié et la loyauté des employés est fragilisée par les attentes individuelles, les dynamiques économiques et les tendances du marché. Nous avons d’autres difficultés à surmonter, telles que le coût de l’énergie et la législation environnementale, qui influencent la compétitivité et l’organisation des entreprises.

Thierry Ungaro. En tant que chef d’entreprise, deux points m’interpellent particulièrement dans ce qu’a dit Philippe : les nouveaux modes de travail et la difficulté des entreprises à fidéliser leurs employés. Les relations de travail se raccourcissent, avec une tendance croissante à la mobilité professionnelle et à une certaine forme de nomadisme numérique. La crise sanitaire mondiale a agi comme un catalyseur, amplifiant des tendances déjà existantes : les démissions augmentent, les enquêtes montrent un désengagement des employés et les modèles traditionnels de gestion peinent à s’adapter à cette nouvelle réalité.

Les chefs d’entreprise se plaignent de la complexification provoquée par les exigences ESG formulées par les donneurs d’ordre, notamment institutionnels. La FER prend-elle en compte ce phénomène ?

P.F. Face à la législation européenne, les grandes entreprises doivent désormais rendre des comptes sur leurs actions en matière de durabilité. Par effet domino, elles exigeront la même transparence de leurs fournisseurs. Il s’agit d’un passage obligé, et de nombreux segments des chaînes de valeur sont impactés. La FER prévoit de renforcer son offre de formation sur ce volet de la durabilité, afin d’éveiller les consciences sur ce qui devient un prérequis. Nous avons également lancé une ligne de services pour aider les entreprises, en particulier les PME, à gérer les questions de durabilité. Nous proposons des bilans d’évaluation (par exemple le bilan relatif au gaz à effet de serre) et des actions pour améliorer leur impact environnemental.

"Ce sont les collaborateurs qui imposeront le changement, qui plus est dans un contexte de pénurie de main-d’œuvre."

La crise sanitaire a accéléré la transformation organisationnelle des entreprises. Quels en sont les impacts deux ans après ?

P.F. Au terme de la crise Covid-19, le télétravail et les horaires flexibles semblaient s’imposer naturellement. Nous constatons aujourd’hui que beaucoup de nos membres reviennent en arrière. Certaines banques, par exemple, avaient spontanément institué deux jours de télétravail, qui, pour beaucoup d’entre elles, ont été limités à un, voire aucun dans certains services. Cela vient en contradiction avec les aspirations des nouvelles générations de collaborateurs, plus attachées à l’équilibre vie professionnelle-vie privée qu’au salaire.

T.U. Chez AD VALORIS, les horaires et les lieux de travail sont restés flexibles, indépendamment des frontaliers qui doivent respecter la réglementation. Cela fonctionne très bien, mais soulève la lancinante question de l’esprit d’équipe quand les membres ne sont pas réunis physiquement. Nous menons une réflexion collective sur ce sujet.

La Suisse serait-elle encore attachée à la spatialité du travail, contrairement à l’Asie qui semble évoluer plus rapidement vers la dématérialisation ?

P.F. Ici, les patrons restent quelque peu conservateurs. Ce sont les collaborateurs qui imposeront le changement, qui plus est dans un contexte de pénurie de main-d’œuvre. Les patrons qui ne l’ont pas encore compris auront de la peine à recruter. Pour les petites entreprises, ce n’est pas évident. Il est crucial qu’elles comprennent que le processus de recrutement passera par la prise en compte d’aspirations allant au-delà du salaire, dans un esprit plus collaboratif que hiérarchique.

T.U. En tant qu’employeurs, nous avons individualisé le management il y a déjà plusieurs années. Chaque collaborateur structure les conditions de travail qui lui conviennent, en consensus avec la direction. Je pense que le rapport entre employeur et employé n’est productif que s’il se fonde sur un pied d’égalité. Aujourd’hui, les entreprises doivent intégrer de nouveaux modes de fonctionnement, tels que des parcours professionnels individualisés et en cohérence avec les aspirations personnelles, favoriser l’autonomie et la responsabilisation des individus.

La responsabilité sociale et environnementale s’impose comme un enjeu majeur. Comment les entreprises romandes s’en saisissent-elles ?

P.F. Les patrons comprennent indéniablement l’importance de ces démarches, mais se demandent quoi faire concrètement, par où commencer et qui peut les aider. C’est pourquoi la FER joue un rôle important en les accompagnant sur ce chemin.

"La qualité suisse apporte toujours une forte valeur ajoutée concurrentielle à notre pays."

Que propose concrètement la FER pour accompagner les entreprises dans leurs démarches environnementales ?

P.F. Nous proposons des services dans quatre domaines :
1. La formation et la sensibilisation.
2. L’état des lieux, comme des audits énergétiques ou des bilans Carbone.
3. Des plans d’action pour l’amélioration de l’empreinte carbone, la gestion des déchets, la mobilité, le numérique responsable, la consommation d’énergie.
4. Les échanges et la communication pour partager les expériences et les bonnes pratiques.

La FER envisage-t-elle de faire des ateliers prospectifs pour réunir des chefs d’entreprise et brainstormer sur ces sujets ?

P.F. Oui. Il est essentiel de créer des communautés et de partager les connaissances pour avancer ensemble sur ces enjeux.

Estimez-vous que le partenariat social fonctionne bien en Suisse romande ? Quelles sont les améliorations possibles ?

P.F. Il fonctionne bien. Les entreprises, les organisations patronales, les fédérations professionnelles et les syndicats constituent le socle vivant de l’organisation du travail. Cependant, on remarque un durcissement des positions qui nuit à un dialogue serein. En Suisse, nous cultivons une certaine paix du travail, un acquis que nous avons tendance à sous-estimer et dont nous devons prendre grand soin. L’État propose souvent des solutions uniformes aux problématiques, tandis que les branches professionnelles peuvent apporter des modifications spécifiques. C’est une force de la Suisse de pouvoir prendre en compte les particularités des différentes branches et de trouver des solutions adaptées.

La qualité suisse est-elle encore un argument dans le concert international ?

P.F. Ma carrière s’est construite sur cette conviction. La qualité suisse apporte toujours une forte valeur ajoutée concurrentielle à notre pays. On ne dit pas assez qu’outre la qualité, la Suisse est aussi le pays le plus innovant au monde, et ce depuis 13 années consécutives, selon l’Indice mondial de l’innovation (GII) 2023, publié par l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI).

T.U. La qualité suisse n’est pas une légende. Elle tient dans cette volonté traditionnelle de « faire bien » et de « bien finir ».

Pour conclure cet entretien, quelles ambitions la FER poursuit-elle ?

P.F. Je suis à la tête de la FER depuis une année maintenant. Mon ambition, et celle de mes collaborateurs, est d’accroître la proximité de la FER, afin qu’elle devienne un réflexe utile à ses membres et plus largement, au tissu économique local.

T.U. J’aimerais conclure par un compliment à la FER. Pendant la crise du Covid-19, La FER a fait un excellent travail, grâce au partage d’une information claire et précise sur la situation, sur le droit en matière de télétravail, les aides disponibles, etc. Je ne peux que recommander aux grandes fédérations et institutions de fournir un service concret qui aide les PME au quotidien, spécialement dans cette période de bouleversements technologiques, environnementaux et sociétaux.

 

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« Mon ambition, et celle de mes collaborateurs, est d’accroître la proximité de la FER, afin qu’elle devienne un réflexe utile à ses membres et plus largement, au tissu économique local. »

 

Philippe Fleury

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